Proposition d’une occupation temporaire de la carrière de la Faubretière pour une nouvelle industrie des sols
Un pied à terre c’est un lieu que l’on occupe occasionnellement. Ce projet vise à s’insérer dans la transformation constante de la carrière de la Faubretière, à un temps T. Une des 22 carrières en exploitation en Loire-Atlantique, des quelques 6 carrières dans l’aire métropolitaine nantaise, des 7 en cours d’exploitation possédées par l’entreprise Charier.
Dans le territoire nantais, le contexte des carrières est assez tendu. les controverses sur l’extractivisme sont forts et font l’objet de nombreuses luttes écologistes, qui souhaitent faire fermer ces modes d’exploitation datée d’un autre temps ou l’on voyait les ressources comme infinies.
Le climat législatif actuel est assez particulier également, le secteur de la construction opte pour la loi ZAN (zéro artificialisation nette), qui permettrait de limiter l’artificialisation des sols. La ZAN classe en plusieurs catégories ce qui est de l’ordre d’un sol artificialisé ou non. Ceux qu’elle voue à sauvegarder sont les sols des espaces naturels, agricoles et forestiers, dont les capacités écosystémiques ne sont pas altérées. Elles gardent leur rôle de
stockage de carbone, de régulation hygrométrique, etc.
Pour ce qui est de l’ordre des carrières, elles rentrent dans la catégorie de sols non-artificialisés selon la loi. Ce qui pose question sur plusieurs points : le sol d’une carrière est certes non imperméabilisé mais ne peut plus assurer ses capacités écosystémiques. C’est un lieu modifié par l’humain, un sol artificiel car modifié par et pour ses usages.
C’est ici que le projet s’insère. Dans ces questions d’artificialisation, on pose la question de la carrière comme artificialisée ou non et ce que cette artificialisation génère dans le territoire.
Tracer le sentier du petit poucet (voir article le tracé) a permis de mettre en évidence la carrière comme un marqueur important de la transformation du territoire alentour et fait prendre conscience de l’importance de cette exploitation pour les riverains par rapport à son caractère anecdotique à plus large échelle. En se transformant par l’exploitation, il transforme.
D’une posture assez anecdotique, la carrière sert de paradoxe, ce lieu artificialisé produit les matières à artificialiser.
Le scénario de ce projet se poursuit en 2033, une fois que l’arrêté préfectoral autorisant l’extraction à Charier prend fin. Il est prévu de continuer à recevoir des matières inertes (considérées comme déchets), provenant des activités alentours du BTP, mais aussi de gestion de particuliers venant benner leurs terres et autres matières inertes afin de combler ce trou pour rendre le terrain au maximum réutilisable foncièrement. C’est aussi d’une certaine manière un pansement sur une plaie pour faire oublier cette exploitation.
Le projet Pied à terre développé ci dessous souhaite requestionner le potentiel de ces matières considérées comme déchets au sein d’une industrie pour commencer à les reconsidérer pour d’autres usages.
Actuellement la carrière est divisée en plusieurs espaces : les parties en cours d’exploitation, les parties remblayées servant de stockage et de plateformes à l’accueil des granulats vendus.
On vient en premier lieu redonner accès à d’autres publics que ceux du monde extractiviste. Le sentier du petit poucet faisant précédemment le tour de la carrière sans y rentrer, on vient se servir du chemin le long de la Sèvre afin de proposer des ouvertures au sentier qui permettent de raccorder les chemins existants pour les piétons. On marque d’une première manière la façon de rendre ce site à ses riverains.
Le site est caractérisé par différentes catégories de sols. On vient détailler les sols nus des sols remblayés, (une autre façon de parler de l’artificialisation qui se passe ici) afin de déterminer des gestions différentes du projet.
On vient laisser se recréer les sols de roche nue, permettant de comprendre sa formation, certains remblais font l’objet de revégétalisation tandis qu’on en détaille un qui viendra se servir des matières qui le composent.
Le fond de la carrière est laissé, surveillé pour observer les remontées de nappes mais on laisse les plantes pionnières prendre place dans ces milieux quasi primaires. Un petit atelier de scientifiques observe ce changement, mesure, se renseigne sur le sol qui se reforme.
C’est un espace qui n’est pas habité. Le site n’est pas sollicité d’une manière productiviste, on vient l’habiter par des petits endroits, en en laissant d’autres respirer, reprendre place.
Venons détailler la partie remblayée qui on suppose ne bougera pas d’ici 2033.
Ce remblai, c’est toutes les matières issues des déchets de l’industrie et des chantiers alentours qui entrent depuis une trentaine d’années. Il est composé de terres et de cailloux, mais aussi de briques, parpaings concassés, de verre : des matières inertes supposées reprendre la place du sol qui a été enlevé.
C’est cette partie qui lance un projet. on part du principe que l’on peut considérer ces matières différemment, afin d’en faire plus qu’un déchet mais de le regarder comme une ressource.
Un centre de transformation de ces matières vient s’implanter directement dans le remblai. Il serait impulsé par Charier avec l’appui de la mairie sur un changement de regard nécessaire sur les ressources.
Après 2033, une fois l’exploitation terminée, les granulats vendus et stockés au dessus du remblai sont enlevés, réparties, liquidées. On vient creuser à l’intérieur pour récupérer des matières à trier, puis aplatir les sols, remettre en place des systèmes constructifs à cet espace.
Pour ce faire, on vient prendre les matières du remblai comme produits de construction du projet. Elles sont détaillées dans plusieurs catégories. Tout d’abord tassées dans les parties de sol marchées, solidifiées en triant le remblai afin d’avoir un mélange assez argileux, qui puisse se tenir sans s’affaisser à plus de 50°. Pour les finitions intérieures, on vient fibrer les matières
argileuses afin de créer des surfaces moins volatiles. Pour les endroits nécessitant un peu plus de solidité, on vient créer un simili béton en ajoutant de la chaux aux matières fines. L’idée est de voir le remblai comme potentiel constructif riche, en sédimentant les espaces.
On vient creuser 6 halles longitudinales qui viennent supporter 3 espaces majeurs du projet. C’est la solidité du remblai qui vient favoriser l’installation en long. Certaines halles sont couvertes pour les usages qui le nécessitent avec une toiture en tôle qui sera reprise des anciennes installations de Charier.
De cette exploitation, on vient créer un bâtiment d’entrée et d’accueil à partir des matériaux transformés et détaillés sur site. Les piétons pénètrent dans un petit bâtiment, comme à l’intérieur des matières de remblai. Cet espace est conçu comme un lieu de médiation qui vient expliquer le changement d’activités qui a lieu ici. Il nous fait poursuivre le chemin par un petit talus surélevé qui vient marquer le cheminement des piétons et qui va venir les
accompagner et les guider dans le site. Ces talus marchent comme une surélévation qui permettent aux promeneurs curieux d’apporter de nouveaux regards.
Au loin, le projet prend forme. Les toits dépassent du remblai et nous invitent à nous rapprocher de l’activité qui s’y passe. Une fois arrivés dans ce lieu, a pied en voiture ou en vélo, par différents chemins, chacun⸱e se retrouve ici pour venir participer à la création de nouveaux matériaux. Les artisan⸱es présent⸱es
ici travaillent à l’élaboration du site puis à la création et l’accompagnement de matériaux pour des commandes particulières : les échelles ne sont pas aussi grandes que celles de l’extractivisme passé, les matériaux produits se font sous la forme de commande et les gens peuvent participer à cette production.
Les halles des ateliers sont modelées au plus proche des principes du remblai, l’une est plus haute que l’autre afin de participer à l’écoulement de l’eau. A l’intérieur, on est dans le remblai, la lumière vient du haut et des côtés ouverts, les tôles permettent une entrée de lumière diffuse. On est dans une architecture presque mono matériau, qui essaie de rester au plus simple, au plus primaire.
Les matières inertes continuent d’affluer, les galeries ont été creusées, sont habitées. Les riverain⸱es participent parfois aux ateliers proposés, sont alertes sur les régénérescences des sols mais aussi sur les matières inertes et leur potentialités constructives. Une part des matériaux peut être exportée, utilisée pour les travaux proches, permettant une approche de la construction différente.
On voit le long du sentier, émerger de nouveaux volumes, de nouveaux usages des sols dans les lieux qu’il traverse.
Après le projet «Pied-à-terre», la carrière continue de transformer ses alentours et ses entrailles, peut être avec un recul un peu différent. Avec une vision de la matière finie, dans un autre discours que l’épuisement des ressources et un paysage que l’on peut traverser en toute connaissance de cause.
