Suite au trouble et à la création d’un sentier permettant de se saisir de l’histoire – parfois oubliée – de l’Acheneau à travers un itinéraire au plus près de ses flots, c’est aux portes du chemin, à Bouaye, que s’est développée une intervention en relation directe avec l’enjeu du sentier.
Bouaye, commune de plus de 9 000 habitants, se dévoile par son bourg, son église, et ses quelques commerces. Pourtant, l’histoire veut que l’Etier – petit hameau au sud de la commune – eut été le cœur battant du village jusqu’au siècle dernier. Habité dès le 14e siècle, il connut une croissance importante entre le 19e et le 20e siècle grâce aux eaux poissonneuses du lac ainsi que part le passage fréquent des chalands transportant foin, vin, et matériaux de construction.
Reconnecter l’Etier à son histoire
Avec la densification des constructions au sein même du village de l’Etier, des travaux importants sur le réseau hydraulique, ainsi que l’abandon progressif de la structure économique lié à l’Acheneau, un phénomène de retrait de la rivière s’est opéré au 20ème siècle entraînant avec lui l’oublie de sa présence. Et c’est ainsi qu’aujourd’hui, lorsqu’on se rend à l’Etier, le seul indice suggérant cette présence est ce panneau, indiquant la Rue du port. Car sinon, c’est une place – adopté par l’association de pétanque de Bouaye – qui précède une barrière végétale, elle-même suivi d’une zone humide et marécageuse qui rend infranchissable l’ensemble. Le premier enjeu de l’intervention était clair : reconnecter l’Acheneau à sa rivière, et à son histoire.
Le juste équilibre entre protection et touristification
La méthode mise en place fut celle de l’enquête par les habitants et les usagers. Commencé avec les quelques joueurs de pétanque, celle-ci ira jusqu’à Jean-Marc Gillier, directeur de la réserve de la SNPN (Société Nationale de la Protection de la Nature). Le tout en passant par Alphone Joyeux, ancien garde du pavillon de chasse du parfumeur Guerlain, Bernard Defert, président de l’association Bouaye Histoire, Michèle Droual, présidente de l’association des randonneurs Boscéens, ou encore avec les acteurs de la maison du lac… A mesure de ces rencontres, c’est une autre lecture de ce territoire qui s’est dévoilée. Celle d’un territoire de friction, d’opposition, entre une volonté de préservation de cet environnement naturel exceptionnel que représentent le lac et l’Acheneau mais dans un contexte d’une forte touristification, accentué par la crise sanitaire du Covid, et par la présence d’espaces destinés à cet usage; tel que la maison du lac. Et c’est ainsi qu’est apparu un deuxième enjeu, nécessaire à la bonne réalisation de l’intervention, celui de trouver le juste équilibre entre la mise à disposition de ce site avec sa préservation déjà mise en place. Autrement dit, comment faire cohabiter la sanctuarisation d’un site avec la mise à disposition au public ?
Une passerelle et son principe
Pour répondre à ces deux enjeux, la mise en place d’un cheminement piéton s’est peu à peu développé. Une passerelle permettant de joindre les rives de part et d’autre de l’Acheneau. Un platelage en bois séquencé en deux moments et séparé par la rivière. Car pour joindre deux rives, les solutions sont nombreuses. Ponts, radiers, tunnels, transbordeur et j’en passe. L’une d’elles, la plus simple, la plus économique, et probablement l’une des plus anciennes utilisée repose sur l’action de traverser. Traverser par la voie navigable, au moyen d’une embarcation ; un bac en l’occurrence.
Le principe est simple : un bac à chaîne est une embarcation qui se déplace le long d’une chaîne fixée sur chaque rive. La progression du bac se fait par traction, à mesure que l’usager tirera sur la chaîne. Le bac prévu à cet endroit, de 4m par 2m à les capacités d’accueil de 4 personnes. La passerelle, elle, de 90cm de large, ne prévoit pas plus d’une personne dans sa largeur afin. Ainsi, par ces mesures, et afin de répondre au deuxième enjeu quant à la cohabitation d’une sanctuarisation et d’une mise en tourisme, une régulation des lieux est envisagée. Celle-ci fonctionne en trois temps.
En service
Lors de sa mise en service, le bac est disponible à quiconque. Ce qui génère alors une continuité de passage entre l’étier et la maison du lac. Ainsi, les promeneurs seront amenés à découvrir cette digue, entre lac et rivière, parcourant une faune exceptionnelle – plus de 200 espèces d’oiseaux – dans un espace encore jamais ouvert au public car en zone Natura 2000 mais désignable de bien commun par le patrimoine naturel qu’il représente. Les usagers seront invités à parcourir ces lieux dans le respect, considérant sa présence comme partie intégrante de l’écosystème. La SNPN, à toute proximité des lieux, car résident à l’ancienne maison du garde du pavillon Guerlain, considerera l’impact de ces présences sur le site pour s’autoriser à réguler au besoin ces venues.
Hors service
En période de nidification, la nuit, sur des plages horaires détérminées ou à tout autre moment jugé nécessaire par la SNPN, le bac sera retenu à la rive ouest, c’est-à-dire du côté de la digue, de manière à condamner le franchissement d’une rive à l’autre. Ainsi le sentier sera coupé sur une portion, permettant la régulation nécessaire, et la passerelle située depuis le village de l’Etier sera accessible de manière à laisser visuellement accessible l’Acheneau. Faisant passer le platelage de franchissement à impasse.
En crue
Alors que les pluies automnales se succéderont, c’est le niveau d’eau qui va progressivement monter pour accroitre de plus d’un mètre le niveau de l’Acheneau sur cette portion lors des crues hivernales. Sur ces périodes, et pour des raisons de sécurité et d’inaccessibilité, le bac sera retiré. La majeure partie du platelage sera quant à elle recouverte par les eaux. La digue étant hors d’eau, elle pourra toutefois être ouverte au public et accessible depuis la maison du lac seulement de manière à créer cette recontre de deux impasses, en bordure de l’Acheneau.
Ce fonctionnement pourrait apparaître rigide et frustrateur mais c’est à cette unique condition que ce type d’espace peut être ouvert au public dans un territoire métropolitain amené à s’ouvrir à une mise en tourisme massive dans les prochaines années, processus dans lequel la métropole est déjà inscrit. Mais c’est aussi ce fonctionnement, dicté par l’environnement, qui conserve la beauté de ces lieux en proposant une autre manière de consommer, au gré des saisons, des crues, des nidifications, des usagers et du temps tout simplement.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Damien (21 juin 2021). Le sentier dérive. Grands sentiers. Consulté le 10 octobre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/oxyd